La note du CSP de décembre 2020 bousculait totalement les bases des missions de l’école maternelle. Le SNUipp-FSU, enfin consulté, a œuvré à des réelles évolutions évitant des apprentissages formels systématiques et concentrés sur des “fondamentaux”. Toutefois, les réorientations continuent de faire peser sur cette première école une anticipation précoce, en particulier avec une place à des notions codifiées au détriment d’une construction progressive du langage ou du nombre.

Une note du CSP attaquant les fondements de la maternelle
En décembre 2020, le Conseil Supérieur des Programmes (CSP) a soulevé l’indignation de la communauté éducative en diffusant, sans aucune consultation préalable, une note d’orientations sur le programme de la maternelle qui remettait en cause les fondements mêmes de l’école première.
Le SNUipp-FSU a produit un décryptage complet de cette note et en a immédiatement dénoncé publiquement les orientations idéologiques néfastes :
- Resserrement sur les fondamentaux et subordination de la maternelle à la préparation du CP et des évaluations nationales (instrumentalisées pour disqualifier le programme 2015) ;
- Renoncement à l’évaluation positive ;
- Jeu « scolarisé » au service de l’apprentissage de la langue française, facteur de cohésion nationale ;
- Mise au pas de la professionnalité enseignante sommée de « se conformer à des protocoles précis » ;
- Précocité outrancière des apprentissages à travers les attendus de fin de cycle (comptage jusqu’à 100, de 10 en 10, décomposition 10 + 3…) et l’importation d’outils de l’élémentaire (cahier de mots, schéma, carnet d’expériences…).
La production du CSP dessinait les contours d’une école du « rabâchage » et du « bachotage » qui, en faisant glisser les apprentissages formels du cycle 2 vers le cycle 1, aurait eu comme principale conséquence de renforcer les inégalités scolaires, tout en assignant les PE à une position d’exécutant-e et en renvoyant la responsabilité de l’échec aux élèves et à leur famille.
Les initiatives du SNUipp-FSU & des évolutions notables
Pour contrecarrer ce projet inacceptable, le SNUipp-FSU a multiplié les interventions publiques.
Il a pris l’initiative de rassembler la communauté éducative en réactivant le « forum maternelle », collectif de syndicats et mouvements pédagogiques jusqu’à la publication d’une tribune commune « défendons l’école maternelle » dans Libération.
Lors du Conseil Supérieur de l’Education (CSE) du 7 janvier, le SNUipp-FSU a fait adopter à l’unanimité un vœu en faveur de la stabilité du programme de la maternelle. Le webinaire « Maternelle attaquée : quelle riposte ? » a réuni en direct près de 1 500 collègues et placé l’école maternelle au cœur de la mobilisation du 26 janvier. Une campagne de RIS thématiques menée par les sections départementales a permis de poursuivre le travail d’information et de mobilisation de la profession.
Avec plus de 800 inscrit-es, le colloque du 1er juin « Maternelle : il faut voir grand pour les petits » (il est encore temps de s’inscrire !) constituera le point d’orgue de ce semestre d’intense travail syndical de défense de la spécificité de la maternelle et de ses missions.
Les modifications entre la note de décembre et ce qui sera proposé lors du CSE sont des avancées et constituent un premier soulagement.
Par exemple, la place du jeu a été renforcée, la progressivité en phonologie s’est assouplie, une reconnaissance de la richesse du multilinguistique prenant appui sur les cultures familiales et le cadre collectif dans lequel s’inscrivent les apprentissages est rappelé. D’autres points, tels qu’une recontextualisation du vocabulaire ou la suppression de la description normée des formes géométriques, ont également évolué.
Toutefois…
Malgré de nombreuses avancées permettant de maintenir l’identité de l’école maternelle, plusieurs éléments restent problématiques, entre autre dans le domaine “structuration de la pensée” ou celui de la maîtrise du nombre.
La confusion entre langue et langage perdure, donnant une place surdimensionnée à la correction syntaxique d’une langue normalisée au détriment de l’expression orale et du langage comme constitutifs de la construction de la pensée. De même, la place donnée au comptage-numérotage fragilise la construction du nombre comme expression d’une quantité.
Les “garde-fous” contre l’importation d’attendus et d’activités issus du cycle 2, présents dans les programmes de 2015, disparaissent et risquent d’induire les pratiques vers des objectifs normatifs et précoces. Les modifications de l’évaluation positive comme des ajouts en phonologie ou sur l’oral, font également peser sur l’école première une anticipation dans une forme répétitive des enseignements du CP. De plus, un balisage trop figé par niveau de classe perdure au détriment de la progressivité souple du cycle 1 .
Pour le SNUipp-FSU, ces révisions réorientent encore trop les missions de l’école maternelle; il proposera de nouveaux amendements lors du CSE afin de restaurer l’équilibre que constituaient les programmes de 2015 en défendant l’idée d’une école qui porte les ancrages d’une école ambitieuse pour toutes et tous.
Pour aller plus loin : Maternelle, une école singulière (dossier FSC)